Wednesday, July 8, 2009

Controverse autour du pont route-rail Kinshasa-Brazza

Controverse autour du pont route-rail Kinshasa-Brazza

Le député Bidiu Lajos : «Même s’il est aujourd’hui malade, il est aberrant de faire dépendre le géant Congo de Brazzaville»

Par Marcel lutete / Le Potentiel 08/07/2009
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Controverse ou pas controverse, on n’en finit pas pour autant de parler du projet de construction d’un pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville. « Même s’il est aujourd’hui malade, il est tout à fait aberrant de faire dépendre le géant Congo de Brazzaville», a martelé le député Bidiu Lajos.

Le projet de construction d’un pont route-rail entre Kinshasa et Brazzaville fait couler beaucoup d’encre et de salive. Des députés et sénateurs kongo ont donné de la voix pour dénoncer ce projet. Qu’en est-il au juste ?

Que vous dire sinon affirmer que ce projet vient sacrifier les intérêts économiques de la RDC en général et de la province du Bas-Congo en particulier. Pour la bonne et simple raison que le Bas-Congo offre à la RDC tout ce qu’il y a comme meilleures opportunités d’un transport maritime et ferroviaire.

Comment comprendre que là où tous les régimes qui se sont succédé, qu’il s’agisse de Léopold II, de la Belgique, du gouvernement Kasa-Vubu, de Mobutu et de Laurent-Désiré Kabila, avaient donné la préférence à la voie nationale plutôt que de dépendre d’un autre pays, l’actuel gouvernement fait le contraire.

Certes, une des raisons avancées est celle de l’intégration régionale. Mais comment veut-on parler de l’intégration régionale si l’on ne peut pas encore parler de l’intégration nationale ou interne ? Pour preuve, on sait qu’à ce jour, il est difficile de quitter Banana pour atteindre Popokabaka, Goma ou Lubumbashi. Et pourtant à l’époque coloniale et dans les années ayant suivi l’accession du pays à l’indépendance, un touriste pouvait partir du Katanga et atteindre Banana, et vice-versa. Sans aucun problème.

Qu’est-ce que vous y voyez ? Un problème d’approche, de perception…ou d’une autre nature ?

Je tiens à relever que le projet d’intégration régionale dont on nous parle ici n’est pas une initiative prise par la RDC. Cela signifie que nous sommes en train de subir un projet qui a été initié et conçu ailleurs.

Quelles sont les raisons avancées dans ce projet d’intégration régionale ? On nous dit qu’il y a déjà un pont qui relie le Cameroun au Tchad, qu’il y en a un autre qui relie le Gabon au Cameroun (Eboro). On nous dit qu’il y a une route qui part d’Ouesso à Sangmélima qui relie le Congo-Brazza au Cameroun. Et puisqu’il y a une route qui part de Pointe-Noire à Brazzaville, d’Ouesso à Brazzaville, il faut nécessairement qu’il y ait un pont entre Brazzaville et Kinshasa. Comme je viens de l’affirmer, cette priorité, si elle en est une effectivement, n’est pas définie par nous mais par les autres.

Qu’à cela ne tienne, nous sommes, malgré nous, contraints d’être liés au Congo-Brazza.

Mais comment peut-on accepter qu’un grand pays comme le nôtre ne puisse pas avoir de l’ambition ni de vision lorsqu’on veut faire dépendre la RDC du port en haute mer de Pointe-Noire ? Alors que Banana offre à notre pays et même à l’Afrique centrale de meilleures opportunités.

Je voudrais rappeler à l’opinion nationale qu’un projet existe dans ce sens : c’est celui de la construction d’un port en eau profonde de Banana avec une voie ferrée et une route allant de Banana jusqu’à Ilebo, jusqu’à la province Orientale. C’est dire tout simplement que si le gouvernement avait une quelconque ambition dans ce domaine, nous pouvons, par le port en eau profonde de Banana, relier l’océan Atlantique à l’océan Indien pour desservir non seulement la RDC, mais aussi la RCA, le Tchad, le Soudan, l’Ouganda. Et non se contenter de ce qu’on nous présente aujourd’hui.

Estimez-vous le dossier tellement mal ficelé pour qu’il vous préoccupe jusqu’à ce point ?

Bien sûr. Il y a tellement des raisons pour que le dossier «pont route-rail » Kinshasa-Brazza nous préoccupe. Dans tous les cas, il est tout à fait aberrant de faire dépendre le géant Congo, même si aujourd’hui il est malade, de Brazzaville. Parce que ce pont va porter un coup dur au Bas-Congo avec des conséquences fâcheuses dans tous les domaines de la vie nationale, c’est-à-dire du point de vue sécuritaire, politique, environnemental, naturellement au plan économique.

C’est comme si ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie ne nous sert pas de leçon. Les Européens, malgré leur niveau de développement politique, culturel, et même mental, subissent le contrecoup des humeurs de la Russie et de l’Ukraine pour le gaz qu’ils consomment.

Pendant que vous êtes en train de vous échiner à faire passer votre message, une certaine opinion estime, pour sa part, que la «voix» du Bas-Congo dans ce dossier est trop molle. Comment réagissez-vous ?

Je pense que cette opinion se trompe. Notre voix, nous la faisons entendre suffisamment. Ca c’est d’un. Vous vous souviendrez qu’au mois de janvier de cette année, nous avons été reçus par le président de la République. Il avait fait la même chose pour les députés d’autres provinces. L’une des questions que nous lui avons posées au cours de cet entretien concernait ce projet. Et le président de la République, garant de la nation conformément aux articles 69 et 74 de la Constitution, nous a donné des assurances que ce projet n’était pas une priorité pour le gouvernement de la République.

Ce qui se passe depuis quelques temps nous surprend. C’est comme si c’est le contraire de la parole que le chef de l’Etat nous avait donnée lors de son entrevue avec les députés et sénateurs kongo.

De deux, nous considérons que cette question n’est pas seulement une affaire de la province du Bas-Congo, mais de tout le monde. C’est pour cette raison que, dans notre récente déclaration, nous avons sollicité l’appui sinon l’implication des députés et sénateurs d’autres provinces pour faire échec à ce complot économique et politique ourdi contre la République.

Nous sommes heureux de constater que bon nombre de députés et sénateurs d’autres provinces nous soutiennent dans cette démarche.

Tout au long de nos vacances parlementaires, nous continuerons à réfléchir autour de cette question qui, entre nous, dérange les bonnes consciences. De toute façon, le peuple sera suffisamment informé sur les conséquences qu’entraînerait la réalisation de ce projet.

Il faudra que le peuple congolais puisse s’approprier notre indignation. Peut-être que lui sera entendu par le gouvernement.

Est-ce que vous avez une proposition à opposer à l’attitude du gouvernement en rapport avec ce projet de pont route-rail ?

La proposition que nous faisons au gouvernement consiste à trouver les capitaux nécessaires pour la réalisation du projet de construction du port en eau profonde de Banana et de développer les infrastructures de notre pays. Parce qu’il ne faut pas perdre de vue que le commerce mondial s’effectue à 70% par la voie maritime et ferroviaire. Voilà pourquoi Léopold II, visionnaire qu’il était, avait négocié et obtenu par tous les moyens l’accès de notre pays vers la mer. Nous ne pouvons pas croire que LéopoldII s’était trompé. La RDC a donc l’obligation d’affirmer sa position de géant en Afrique centrale en ce qu’elle doit être la locomotive de l’intégration régionale.

Il ne faut surtout pas entendre par là que la RDC doit vivre enfermée. Loin de là. Nous avons besoin et nous aurons toujours besoin de pays qui nous entourent. Pas dans la mollesse, mais plutôt dans une économie dynamique.

Depuis deux ans et demi, vous siégez, pour le compte de l’opposition, dans un parlement piloté par l’Alliance de la Majorité Présidentielle. Estimez-vous y évoluer avec suffisamment de marge de manœuvre ?

Nous obéissons tous à la règle de la démocratie, c’est-à-dire que le président de l’Assemblée nationale qui, pour nous, est un chef de corps, a l’obligation d’observer les prescrits des textes légaux qui régissent le fonctionnement de l’Assemblée nationale tant au niveau de la Constitution que du règlement intérieur de l’Assemblée.

Dès lors que ce principe est respecté par lui et tous les autres députés, nous nous exprimons. Observateur de la scène politique de notre pays, vous suivez certainement le débat au niveau de l’hémicycle où l’opposition demande et prend régulièrement la parole conformément aux principes édictés par le règlement intérieur de la Chambre basse. En outre, selon les obligations qui sont les siennes, l’opposition, à certains moments, attire l’attention de la majorité au pouvoir chaque fois que cela est nécessaire. Pour le reste, nous laissons le peuple apprécier.

A quoi vos vacances parlementaires vont-elles, cette fois-ci, ressembler ?

Je vois mes vacances parlementaires beaucoup plus en termes de message à l’endroit de mes électeurs. Et le message le plus important c’est un message d’espoir. Le pays traverse des moments difficiles certes, mais nous avons la ferme conviction que ce peuple qui pousse des cris de détresse face à la pauvreté grandissante dans laquelle il est plongé, va sanctionner le moment venu la majorité qui nous dirige aujourd’hui parce qu’elle ne respecte pas ses promesses électorales.

C’est pourquoi, d’ailleurs, nous demandons à tous les jeunes, de 16 ans et plus, de se faire enrôler massivement. Que tous ceux qui ont perdu leur carte d’électeur et qui ne s’étaient pas fait enrôler en 2006 le fassent pour qu’une majorité soit dégagée demain contre le pouvoir en place. Un pouvoir qui le maintient dans ce que nous avons dénoncé, à savoir la misère noire.

Nous invitons notre peuple à faire confiance à l’opposition de manière générale et au MLC de façon particulière.

LE POTENTIEL / Juillet 08/2009

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